Depuis des années, la cité de Sangé et ses environs, dans la zone de santé de Ruzizi au Sud-Kivu est sous surveillance épidémiologique des équipes MSF, qui constatent chaque année des flambées de cas de choléra. La zone sous surveillance compte environ 60 360 habitants. En 2023, trois épisodes ont affecté la zone, en janvier, avril et juillet. Ces flambées peuvent durer des semaines durant lesquelles des centaines de personnes sont touchées ; une moyenne de 18 cas par semaine peut être atteinte, bien au-dessus du seuil épidémique de huit cas par semaine fixé par le Ministère de la Santé pour la zone de santé de Ruzizi.
Depuis 2021, MSF intervient régulièrement dans la cité de Sange et prend également en charge les patients des aires de santé avoisinant la cité lors d’alertes choléra. Récemment, pour l’intervention à l’été 2023, les équipes MSF ont répondu en urgence à l’appel des communautés, et ensemble, ils ont travaillé sur des mesures de prévention plus durables dans la lutte contre le choléra.
Robin Buchere, superviseur des activités eau, hygiène et assainissement dans l’équipe d’intervention d’urgences chez MSF au Sud-Kivu, explique comment cette intervention plus centrée sur la prévention contribue à réduire la récurrence des épidémies de choléra dans la cité de Sange.
Qu’est-ce qui explique la recrudescence des épidémies de choléra dans la cité de Sange ?
Quand on parle du choléra, on sait que la principale source de contamination provient de l’eau notamment en cas d’un manque d'accès à une eau potable et des problèmes d’assainissement. Le réseau de distribution d’eau potable de Sange existe et permet de distribuer de l’eau à plus de 100 000 personnes. Or, cela nécessite d’importants moyens financiers d’entretien, qui sont au-delà des moyens de la population. Par conséquent, ce système n’est pas assez entretenu, ce qui peut engendrer une propagation du bacille Vibrio cholerae responsable du choléra.
À travers la mobilisation des communautés qui se sont rassemblées en comités de gestion d’eau, de l’argent a été cotisé durant près de cinq mois afin de payer les produits nécessaires pour le traitement de l’eau et la maintenance des ouvrages du réseau de distribution d’eau.
Malencontreusement, au mois de mai, des inondations causées par des fortes pluies ont endommagé la canalisation du réseau sur une distance de 315 mètres, empêchant une nouvelle fois la population à accéder à l’eau potable, ce qui a occasionné une nouvelle flambée de choléra, la troisième cette année. 33 cas de choléra ont été rapportés dont 1 décès dans les structures de santé. Ce chiffre n’est pas représentatif pour toute la zone, car nous savons qu’il y en a également au niveau des structures privées et au sein de la communauté.
Comment MSF répond-elle aux différentes épidémies de choléra dans la cité de Sange ?
De façon générale, nous organisons des actions visant à réduire la morbidité et la mortalité au sein des communautés en assurant une prise en charge des patients tout en mettant en place différentes mesures de prévention pour limiter la propagation de la maladie. Par exemple, nous avons installé à l’hôpital une unité de traitement d’eau qui captait l’eau depuis la rivière Sange, la traitait et la redistribuait. En additionnel, nous avons installé divers sites visant à traiter l’eau et la rendre potable, et procéder à la distribution des pastilles qui permettent aux familles de traiter l’eau à la maison.
Ces actions mises en place bénéficient également aux réfugiés du site de transit dans la cité de Sange où les conditions sanitaires sont très précaires. Ce site surpeuplé abrite plus de 3000 réfugiés pour une capacité initialement prévue pour 350 personnes avec 6 toilettes seulement. Ces solutions sont temporaires. Face à la récurrence de cas de choléra dans cette zone, nous avions décidé d’adapter notre approche et réponse humanitaire.
Qu’est-ce qui a changé dans les interventions contre les épidémies à Sange ?
Notre perception sur cette urgence et notre réponse devaient être plus durables et sur le long terme. Puisque c’est une zone endémique, nous savons que d’autres cycles épidémiques de choléra sont susceptibles d’apparaître. Avant, on gérait les conséquences de l’épidémie et du manque d’accès à l’eau potable. Nous avons donc cherché à travailler davantage sur les causes afin d'apporter une solution plus durable. Notre première action était de trouver des moyens pour garantir l’accès à l’eau potable toute l’année.
En quatre semaines, 258 cas ont été pris en charge en collaboration avec le Ministère de la Santé. Et la veille de fin de notre appui, il n’y avait pas un seul cas de choléra au CTC.
Au départ, nous avions voulu réhabiliter quatre forages abandonnés qui touchaient 25 000 personnes par localité mais cette action n’était pas suffisante pour atteindre les résultats escomptés. En collaboration avec le comité de gestion de l’eau, nous avons décidé d’appuyer les travaux de réfection du réseau de distribution d’eau. Il consistait à déboucher 315 mètres de tuyauterie, qui avait été endommagé par les inondations, et de réparer les systèmes défectueux de filtration du réseau. Nous avons mis à disposition les moyens et les travaux ont été exécutés par la communauté.
En parallèle des travaux de réhabilitation, la prise en charge se poursuivait. En quatre semaines, 258 cas ont été pris en charge en collaboration avec le Ministère de la Santé. Et la veille de fin de notre appui, il n’y avait pas un seul cas de choléra au CTC.
Nous sommes fiers d’avoir apporté un regard différent sur notre appui, et cela a porté ces fruits en faveur de la population de cette zone de santé. Nous continuerons à surveiller la zone afin d’apporter un soutien lorsque nécessaire.