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Blukwa'Mbi  health center, Ituri Province, DR Congo

Insécurité et accès aux soins limité : l’urgence oubliée en Ituri, RDC

Zone de santé de Drodro/territoire de Djugu, Ituri, RDC – 26 Juin 2023

Depuis le début de l’année, le territoire de Djugu est marqué par une recrudescence d’attaques armées, poussant une nouvelle fois les populations à fuir. 156 000https://dtm.iom.int/reports/rdc-ituri-suivi-des-mobilites-9-mars-2023 personnes sont nouvellement déplacées dans le territoire, soit un total de près de 700 000https://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/rd-congo-situation-humanitaire-dans-la-province-de-lituri-16-juin-2023 personnes déplacées pour le territoire et 1,7 millions pour la province d’Ituri. La population est prise au piège, sans échappatoire, depuis des décennies. Victimes d’exactions diverses, les communautés sont exposées à des violences intercommunautaires extrêmes - ayant un impact majeur sur leur accès aux soins médicaux et sur leur santé mentale. Lors d’attaque ou menace à proximité des structures de santé, celles-ci sont même désertées par les patients et le personnel soignant. Aujourd’hui, nos équipes MSF sont les yeux et les oreilles des communautés vivant avec des traumatismes inimaginables.

Des coups de feu crépitent à 2km, en bas de la colline où se trouve l’hôpital de Drodro. C’est la panique. Quelques heures auparavant, des affrontements ont eu lieu sur l’axe nord, à quelques kilomètres.

Maintenant, le bruit se rapproche. Traumatisés par des années de violences chroniques, patients et personnel hospitalier n’ont qu’un réflexe : fuir. Loin de l’hôpital.

Rapidement, tout le monde prend ses affaires. Les mamans enroulent leurs enfants malades dans des pagnes sur leur dos, prennent ce qu’elles ont sous la main et partent en courant, laissant le reste derrière elles.

En moins de 30 minutes, l’hôpital de Drodro, d’une capacité de 100 lits, s’est vidé. Les portes des services sont fermées et le silence est lourd.

Collage: Drodro general hospital, Ituri province
Une vue côte à côte de l'unité de pédiatrie et de l'unité de nutrithérapie intensive un jour normal, lorsqu'elles se sont vidées après que les patients et le personnel médical ont fui l'hôpital suite à une attaque armée à quelques kilomètres de la périphérie de l'hôpital de référence, en Ituri province, RDC.
MSF/Michel Lunanga

Certains ont pu rapidement emprunter la route, mais pour d’autres, il était trop tard. Ils ont dû rebrousser chemin et l’ambulance est venue les ramener à l’hôpital. Ici, ils se serrent tous dans une même pièce pour se réfugier. Une grande tension est palpable dans cette atmosphère étrange, les pleurs d’enfants se font entendre. On éteint même le générateur, de peur de ne pas détecter les potentiels coups de feu.

Des cycles de violence récurrents ont traumatisé les populations

« J'étais sur le lit d'hôpital avec mon bébé quand les autres mamans sont venues vers nous et ont dit 'il faut partir, il y a des coups de feu' : j’ai pris peur ! Les gens couraient, paniqués. Alors, sans réfléchir davantage, j'ai enveloppé mon petit dans la couverture et je suis partie. Mais dans la panique, j'ai même oublié certaines de mes affaires : son dossier médical et mes ustensiles de cuisine ! », décrit Joécie, mère du petit Salomon, 17 mois, admis à l’hôpital pour malnutrition sévère avec complications d’anémie. Joécie fait partie des quelques patients qui sont revenus dans la nuit. « Mon fils était trop malade, il avait de la fièvre et rien à manger [actuellement sous lait thérapeutique]. Je n’ai pas eu d’autre choix que revenir. La nuit était compliquée, j’étais paniquée et j’ai à peine dormi ».

La violence chronique – et la crainte de nouvelle violence – ont profondément traumatisé les populations, de génération en génération, les freinant même à se soigner de peur d’accéder aux structures médicales. Les communautés voient ces structures comme des cibles potentielles et ne se sentent pas en sécurité. Y aller ou y rester est vu comme un cas d’extrême urgence.

« Imaginez que les populations vivent dans ce conflit depuis des années et sur plusieurs générations, avec des déplacements à répétition et peu de perspectives d’avenir. Les images de massacres de leurs voisins ou des membres de leur famille leur reviennent constamment à l’esprit. C’est difficile de réfléchir logiquement » explique Grâce Longa Mugisa, conseillère santé mentale MSF.

« Cela fait depuis 2015 que je travaille avec MSF et dans plusieurs pays, je n’ai jamais vécu ce type d’évènement, que l’hôpital se vide comme cela. » Dr Kelly Tsambou, responsable des activités médicales au projet MSF dans la zone de santé de Drodro

C’est la troisième fois depuis le début de l’année que certaines structures médicales sont désertées, à la suite d’affrontements à proximité.

« Cela fait depuis 2015 que je travaille avec MSF et dans plusieurs pays, je n’ai jamais vécu ce type d’évènement, que l’hôpital se vide comme cela. Quand les patients fuient, qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse ? On ne peut pas les en empêcher » nous raconte avec émotions Dr Kelly Tsambou, responsable des activités médicales au projet MSF dans la zone de santé de Drodro. « Chaque patient devrait pouvoir se sentir en sécurité dans les structures médicales. Ailleurs, elles sont souvent utilisées par la population civile comme lieu de refuge lors de conflits, mais ce n’est pas le cas ici ».

Cette insécurité impacte directement l’accès aux soins. Aujourd’hui, seules huit structures de santé sur seize sont fonctionnelles et accessibles dans la zone de santé de Drodro.

Pour continuer à apporter une aide impartiale, MSF s’efforce de répondre équitablement aux besoins et fournir des soins à chacune des communautés. Cependant, la violence chronique et les déplacements à répétition perturbent les activités médicales. Pour y répondre, des moyens supplémentaires sont mis en œuvre dans les différentes structures de santé pour favoriser l’accès au plus grand nombre, en appui au ministère de la santé.

« Depuis l’arrivée de MSF dans la région en 2019, les équipes ont toujours été confrontées à des cycles de violence. Mais face à la recrudescence de violence depuis le début de l’année, nous avons dû nous adapter : augmenter les moyens dans certaines structures pour enrichir l’offre de soin et la rapprocher des communautés » explique Soumana Ayouba Maiga, Coordinateur Projet MSF.

A titre d’exemple, la clinique mobile installée dans le site de Rhoe était, à l’origine, destinée à orienter les patients nécessitant des soins plus intensifs vers l'hôpital général de référence de Drodro, doté d’un meilleur plateau technique. Cependant, depuis le début d’année, la population du site, où la majorité des organisations humanitaires sont concentrées, a presque doublé - passant de 35 000 à près de 70 000 personnes. Face à cette situation, MSF a transformé cette clinique en poste de santé avancé et a renforcé les capacités.

Également, MSF est en train de réhabiliter le centre de santé de Blukwa’Mbi pour qu’il devienne un centre de référence, là où les déplacés se réfugient dans les familles d’accueil.

« La construction d’un bloc opératoire avec un système électrique doté de panneaux solaires permettra aux équipes médicales de pratiquer des interventions chirurgicales, telle qu’une césarienne. Nous souhaitons donner l'accès à des soins plus spécialisés pour les populations ne pouvant accéder à l'hôpital » continue Maiga.

Des besoins humanitaires immenses demandant une intensification de l’assistance

Loin de l’attention médiatique, politique et internationale, la population en Ituri a grandement besoin d’assistance humanitaire : sécurité alimentaire, eau et assainissement, abris, éducation et soins de santé. Les populations se sentent abandonnées, sans assistance ou très largement en-dessous des besoins, surtout en matière de nourriture. L’insécurité chronique rend impossible l’accès aux champs et récoltes – principale activité de la zone.

« Ce qui m’inquiète le plus aujourd’hui, c’est l’accès à la nourriture. La plupart d’entre nous ne mangent pas tous les jours, même les enfants. Ce n’est pas la période des récoltes en ce moment, donc il n’y a rien. Il n’y a même pas d’eau potable accessible facilement » explique Micheline. Elle est reconnue comme la « responsable des mamans » dans sa communauté. Depuis le début de l’année, elle accueille une dizaine de personnes dans son ménage, déjà composé de 8 personnes. Comme la plupart, aujourd’hui, elle est découragée.

Depuis début 2023, 156 000https://dtm.iom.int/reports/rdc-ituri-suivi-des-mobilites-9-mars-2023 personnes sont nouvellement déplacées dans le territoire de Djugu, soit un total de près de 700 000https://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/rd-congo-situation-humanitaire-dans-la-province-de-lituri-16-juin-2023 personnes déplacées pour le territoire et 1,7 millions pour la province d’Ituri. Si certains ont trouvé refuge dans des sites de déplacés, la plupart sont dans des familles d’accueilhttps://reliefweb.int/report/democratic-republic-congo/republique-democratique-du-congo-ituri-personnes-deplacees-internes-et-retournees-mai-2023. Le nombre total de déplacés est difficile à évaluer en raison de la volatilité du conflit et des mouvements continuels de la population. Des processus de paix ont été enclenchés dans le passé sans succès et depuis le début d’année, la situation se dégrade.

D’un point de vue sanitaire, les équipes de MSF sont quasiment seules pour répondre aux besoins des populations dans certaines parties de la zone de santé de Drodro. Les besoins médicaux et humanitaires sont similaires et catastrophiques pour les deux communautés et à ce titre, il est primordial que l’assistance humanitaire soit déployée de manière neutre et impartiale.

Cette situation dont MSF témoigne n’est qu’un reflet de la réalité dans le territoire de Djugu où les soins de santé sont parfois encore moins accessibles dans d’autres zones environnantes.

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MSF offre des soins à l’hôpital général, dans deux centres de santé, deux postes de santé avancés et six sites de soins communautaires dans la zone de santé de Drodro, en collaboration avec le Ministère de la Santé.

Les équipes MSF fournissent des services médicaux, en mettant l’accent sur les soins pédiatriques, inclus la malnutrition, le paludisme et les infections respiratoires. MSF prend en charge aussi les cas de violences sexuelles, et a mis en place des consultations de planning familial et en santé mentale. 

Depuis le début de l’année, MSF a assuré 25 630 consultations dans les différentes structures appuyées. 850 enfants malnutris ont été pris en charge ainsi que 165 survivant.e.s sexuelles. 435 séances en santé mentale ont également été organisées.