Il y a quelques jours, les équipes d’urgence de Médecins Sans Frontières ont quitté Popokabaka, dans la province du Kwango, où elles ont répondu durant près de deux mois à une épidémie de fièvre typhoïde, désormais sous contrôle. Retour sur cette intervention avec Jean-Marc Mavunda, responsable médical de l’équipe.
Nichée au cœur des collines au confluent de trois rivières, la zone de santé de Popokabaka, à près de 400 kilomètres au sud-est de Kinshasa, a fait face durant des mois à une épidémie de fièvre typhoïde.
« Nos équipes ont été appelées à intervenir à la suite de la confirmation d'épidémie par les autorités» , explique Jean-Marc Mavunda, responsable médical de l'équipe d'urgence de MSF déployée sur place.
« Nous avons débuté notre appui mi-juillet, mais tout indique que la maladie était déjà présente depuis plusieurs mois et avait déjà coûté la vie à bien des patients. »
Généralement transmise par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par des selles et sécrétions humaines, voire par contact direct de main à main, la maladie se caractérise notamment par des fièvres prolongées, des maux de tête et des troubles digestifs tels que des douleurs abdominales, des vomissements ou des diarrhées.
Le plus souvent, la maladie se traite en quelques jours par antibiotiques. Mais elle est parfois difficile à diagnostiquer par les centres de santé du fait de sa ressemblance avec d’autres infections et de la nécessité de mener des analyses en laboratoire. Une situation qui peut retarder la prise en charge et mener à des complications sérieuses, voire mortelles.
De mi-juillet à mi- septembre, MSF est donc venue épauler le Ministère de la Santé dans la prise en charge des malades à l'hôpital général de référence de Popokabaka ainsi que dans sept autres structures de la périphérie.
« Comment voulez-vous qu’on y échappe ? »
Ce matin, Chadrac Mbaya est assis aux côtés de sa fille La Joie, âgée d’à peine un an et alitée à l’hôpital de référence depuis quatre jours.
Les conditions de vie à Popokabaka sont propices à ce type de maladie. L’accès à l’eau potable est très limité, et les installations sanitaires restent quasi inexistantes dans les parcelles des habitants.
« Ici, on consomme l’eau de la rivière où les gens se lavent et lessivent », poursuit Chadrac. « Comment voulez-vous qu’on échappe à la maladie ? »
Pour réduire les risques en amont, MSF a donc appuyé des séances de sensibilisation dans les communautés, dans les structures de santé et dans les écoles, tout en scrutant la progression de la maladie à travers la zone de santé pour adapter la réponse.
« En plus de l’appui à la prise en charge et de la sensibilisation, nous avons assuré la surveillance épidémiologique de toute la zone », explique Jean-Marc Mavunda.
« Ce travail a rapidement révélé que le nombre de cas était bien plus important qu’initialement estimé. Les patients référés des centres de santé périphériques arrivaient tous les jours. Au total, on estime que plus de 3,700 personnes ont été affectées depuis le début de l’année. »
De la chirurgie pour les patients atteints des complications
Endémique en Afrique subsaharienne, la fièvre typhoïde peut être source de complications graves chez 10 à 15 pour cent des patients: hémorragie digestive, perforation intestinale, péritonite. Des complications qui nécessitent des interventions chirurgicales.
« Nous avons fait face à beaucoup de cas de péritonite, une infection grave qui peut facilement mener à la mort. Les péritonites aigües obligent parfois à opérer plusieurs fois un même patient. Avant le lancement de la riposte par MSF, 29 décès intra-hospitalier avaient été notifiés, la quasi-totalité étant post-opératoires. Soutenir le volet chirurgical et le suivi post-opératoire était donc plus que nécessaire. »
Tharcisse, onze ans, ne le sait que trop bien. Allongé sur son lit, le jeune garçon en est déjà à son quatrième passage au bloc opératoire.
« Les trois premières opérations ont été réalisées en mai et juin dernier », explique son père, lui aussi prénommé Tharcisse.
« Après les deux premières, la situation ne s’était pas améliorée. Je m’apprêtais à l’amener à Kinshasa pour le faire soigner là-bas. Mais quand j’ai appris l’arrivée de l’équipe de MSF, j’ai décidé d’attendre. Et c’est l’équipe de MSF qui ont organisé le reste des opérations. »
Mabweni, trois ans, a lui aussi dû être réopéré. Admis à l’hôpital général de Popokabaka, il a subi deux opérations à la suite des complications liées à la fièvre typhoïde.
« Il a été opéré pour la première fois le 4 juillet », se remémore son père, Julva.
De mi-juillet à mi-septembre, 2.180 patients ont été soignés de la fièvre typhoïde et vingt opération chirurgicale liés à la maladie ont été réalisées avec l’appui de MSF. En outre, onze opérations ont été réalisées pour d’autres urgences chirurgicales, et plus de 3.500 patients atteints du paludisme simple et grave ont été pris en charge.
Avant leur départ, les équipes de MSF ont effectué des donations en médicaments et équipements et matériel chirurgical pour renforcer la prise en charge, mais une réponse plus structurelle s’impose pour améliorer les conditions de vie des habitants et attaquer la maladie à sa source.
En cette même période, l’équipe d’urgence de MSF a appuyé la réponse à l’épidémie de fièvre typhoïde à l’hôpital général de référence de Popakabaka ainsi que dans sept autres structures de santé de la zone.