La transmission du VIH de la mère à l’enfant demeure la source la plus importante d’infection chez les enfants de moins de 15 ans. Pourtant, la quasi-totalité de ces transmissions sont évitables. A Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) ont mis en place une approche pour éviter ces contaminations.
En RDC, on estime qu’environ 452 9141 personnes vivent avec le VIH. Si le virus se transmet principalement par voie sexuelle, il peut également être transmis par la mère lors de la grossesse, de l’accouchement ou de l’allaitement si elle est séropositive.
« La prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) est une composante essentielle de la lutte contre le VIH », explique Gisèle Mucinya, responsable médicale du projet VIH à Kinshasa. « Elle se base sur le test VIH des femmes enceintes dès le début de la grossesse, leur mise sur traitement immédiat en cas de diagnostic positif, le suivi des femmes enceintes pendant toute la grossesse, accouchement et allaitement, le dépistage de l’enfant né de mère VIH positif à six semaines après la naissance, le traitement de prévention VIH et le suivi des nouveau-nés jusqu’au dernier dépistage VIH 18 mois après leur naissance. Rien d’extrêmement complexe ou coûteux, mais malheureusement sa mise en œuvre reste difficile en RDC. »
Seulement 38% des femmes enceintes qui ont eu accès aux consultations prénatales ont été testées pour le VIH. Parmi celles dépistées comme étant séropositives, seules 58% ont été mises sous traitement antirétroviraux (ARV) tandis que près de 60% des bébés exposés à un risque de VIH n'ont pas bénéficié d'un test de dépistage précoce du VIH.Rapport annuel PNLS 2023
Si les activités de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant (PTME) sont officiellement intégrées dans le système de santé congolais, les résultats en termes de protection des nouveau-nés restent très insuffisants. Seulement 38% des femmes enceintes qui ont eu accès aux consultations prénatales ont été testées pour le VIH. Parmi celles dépistées comme étant séropositives, seules 58% ont été mises sous traitement antirétroviraux (ARV) tandis que près de 60% des bébés exposés à un risque de VIH n'ont pas bénéficié d'un test de dépistage précoce du VIH.2
Le « guichet unique » : un modèle de prévention efficace
Parmi les raisons expliquant ce résultat figure l’éparpillement des services de PTME auxquels les femmes séropositives doivent recourir pour prévenir cette contamination.
« Dépistage, mise sous traitement lors de la grossesse, traitement lors de l’allaitement, traitement de l’enfant… Trop souvent, les mères doivent courir d’un service à l’autre, parfois même dans des structures de soins différentes », poursuit Gisèle Mucinya. « C’est un parcours du combattant, et beaucoup finissent par ne pas avoir accès à l’ensemble des services requis pour prévenir cette transmission. »
Face à ce constat, MSF développe depuis 2020 un modèle de soins recommandé par l´Organisation Mondiale de la Santé qui met fin à l’éparpillement des services : le « Guichet Unique PTME ». Dans six structures de soins de Kinshasa, ses équipes ont mis sur pied dans le service maternité un modèle intégré où les femmes enceintes ou allaitantes testées positives au VIH ainsi que les bébés exposés bénéficient de l’ensemble des soins.
« Tout est au même endroit : détection du VIH, prise des médicaments, suivi tout au long de la grossesse et de l’allaitement, dépistage du bébé dès la naissance et suivi des soins du bébé jusqu´à 18 mois après la naissance… », explique Dorothée Tokula, sage-femme affectée au service de la maternité du centre hospitalier de Biyela. « Et tout cela se fait par le même personnel médical, ce qui améliore la confidentialité et réduit l’abandon des soins. »
Elodie, une vingtaine d’année est enceinte de quelques mois. Elle suit sa grossesse à la maternité du centre hospitalier de Biyela, soutenu par MSF. Pour elle, le « Guichet Unique PTME » est un espoir pour une naissance sans VIH de ses enfants.
« Je suis à ma deuxième grossesse. Le premier fils était né ici. J’avais suivi tous les processus de traitement lors de sa grossesse et après sa naissance. Il est séronégatif actuellement. Je suis contente du fait que je peux mettre au monde des enfants non infectés. Pour le moment, je suis mon traitement comme il le faut afin de garantir une santé saine à l’enfant que je porte actuellement. J’aimerais dire aux autres mères positives au VIH que c’est possible pour leur bébé de naitre sans VIH si elles suivent correctement leur traitement », dit-elle.
Les résultats obtenus grâce à ce modèle sont significatifs : 95% des femmes qui ont été enrôlées dans les guichets unique PTME ont accouché d’enfants n’ayant pas contracté le VIH. Les 5% restantes sont arrivées tardivement dans nos structures, et les bébés avaient déjà contracté le virus. En outre, la totalité des femmes suivies via ce modèle ont une charge virale indétectable grâce à une adhésion aux soins.
« C’est un modèle qui fait vraiment ses preuves », renchérit Dorothée. « Moi j’ai connu le modèle PTME décentralisé où tous les services de soins ne sont pas délivrés au même endroit. Il y avait beaucoup d’abandon de soins parmi les femmes enceintes positives au VIH. C’était très lourd et la confidentialité n’était aucunement garantie. Maintenant c’est tout le contraire. Les femmes sont mises en confiance, fidélisées, elles adhèrent facilement au traitement et leurs enfants naissent sans VIH ».
Il est aujourd'hui possible de donner naissance à un enfant sans le VIH, même si on est porteuse du virus. Alors que le monde est résolument tourné vers l’atteinte d’une génération sans Sida à l’horizon 2030, le circuit « Guichet Unique PTME » s’avère un modèle de soins efficace pour réduire sensiblement voir éradiquer la transmission de l’infection de la mère à son enfant. Aujourd’hui, MSF plaide pour son intégration dans le plan de financement et la stratégie nationale de lutte contre le VIH en RDC.