En l’espace d’une dizaine de jours, le nombre de cas de choléra a augmenté de façon préoccupante dans le territoire de Nyiragongo. Entre le 26 novembre et le 7 décembre, 256 patients ont été admis au centre de traitement du choléra mis sur pied par les équipes de Médecins Sans Frontières (MSF) à Munigi, dont un tiers sont des enfants de moins cinq ans.
Depuis fin octobre, des dizaines de milliers de personnes fuyant les combats avec le M23 ont rejoint celles déjà présentes depuis des mois dans les sites de déplacés du territoire de Nyiragongo, à quelques kilomètres seulement au nord de Goma. La situation humanitaire sur place ne fait que se dégrader et plus de 177 000 personnes déplacées (selon OCHA) viennent désormais s’ajouter aux communautés hôtes, dans des conditions désastreuses, à la merci des intempéries et des épidémies.
« Vu le manque de nourriture, d’abris, de latrines et de douches, tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe sanitaire », s’inquiète Simplice Ngar-One, coordinateur de projet pour MSF. « L’augmentation des cas de choléra ces derniers jours est d’ailleurs un indicateur de plus de la détérioration de la situation et du manque criant d’assistance humanitaire. »
Conditions propices à la propagation du choléra
« J’ai fui mon village dans le groupement de Rugari avec mes six enfants et mon mari il y a un mois et depuis nous n’avons reçu quasiment aucune aide. Nous n’avons ni douches, ni toilettes. Pour nourrir ma famille, je pars aux champs malgré les risques que cela comporte pour essayer de trouver quelques pommes de terre », raconte Nyira Safari, 45 ans. « Depuis deux jours, ma fille Zawadi, âgée de huit ans, souffre de diarrhées et vomissements. Comme elle était très faible et avait dû mal à se tenir debout, je l’ai emmenée ici au centre de santé de Kanyaruchinya. »
Comme Zawadi, des nouveaux patients sont pris en charge quotidiennement par les équipes de MSF, soit au sein de l’unité de traitement du choléra dans le centre de santé de Kanyaruchinya ou dans le centre de traitement du choléra à Munigi, deux aires de santé voisines qui regroupent de nombreuses personnes déplacées.
« Ce que nous redoutions est en train de se produire : les cas de choléra se multiplient à cause de la promiscuité et des conditions de vie dégradées dans les sites informels de déplacés », explique Dr Alain Bishikwabo Irenge, responsable médical du centre de traitement du choléra à Munigi. « Nous avons mis en place deux tentes supplémentaires pour répondre au grand nombre de patients et augmenter notre capacité de prise en charge à plus de 100 lits. En parallèle, nous intensifions nos activités communautaires pour renforcer la sensibilisation et assurer une détection précoce des cas car trop de patients nous arrivent tardivement, dans un état de déshydratation déjà sévère », poursuit-il.
Conséquences visibles du manque d’assistance
Des premiers cas confirmés de choléra avaient déjà été notifiés en août à Kanyaruchinya suite auxquels MSF avait organisé une vaccination contre le choléra pour environ 6000 personnes au mois de septembre. Début novembre, face à l’apparition de nouveaux cas confirmés, les équipes de MSF ont réalisé une nouvelle vaccination auprès de 3600 personnes dans les lieux d’origine des cas pour tenter de freiner la propagation.
« Depuis juillet, nous alertons sur les risques sanitaires, y compris épidémiques, pour les communautés déplacées dans le territoire de Nyiragongo. Les nouveaux déplacements massifs depuis la fin du mois d’octobre sont venus s’ajouter à une situation déjà extrêmement précaire et qui s’est logiquement encore détériorée »Simplice Ngar-One, coordinateur de projet pour MSF
Des mois plus tard, les personnes déplacées continuent pourtant à manquer de tout. Certaines personnes dorment à même le sol, sous de simples moustiquaires, le long de la route à la sortie de la ville. Les infrastructures sanitaires, notamment les toilettes et les douches, à proximité des sites de déplacés restent également largement insuffisantes. « Au centre de santé de Kanyaruchinya, les infections respiratoires, maladies diarrhéiques, infections cutanées se comptent par dizaines chaque jour. En collaboration avec les équipes du Ministère de la Santé, nous soignons au quotidien les conséquences visibles du manque d’aide humanitaire », déplore Simplice Ngar-One.
« Malgré nos appels répétés à la mobilisation, la réponse actuelle est loin d’être à la hauteur et c’est d’autant plus incompréhensible que ces personnes se trouvent à seulement quelques kilomètres de Goma, où on compte de nombreux acteurs humanitaires », regrette-il.
Depuis début novembre, une moyenne de 250 consultations gratuites sont assurées quotidiennement au centre de santé de Kanyaruchinya. Un poste de santé va également être mis en place sur le site informel dit « Bassin du Congo » à Munigi. Par ailleurs, les équipes de MSF continuent à fournir de l’eau sur six sites à Kanyaruchinya et Munigi, ont mis en place des points de lavage des mains et réalisent de nombreuses activités de sensibilisation.