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DRC: The conflict provokes a new exodus to South Kivu

RDC : aux Kivus, les civils pris en étau par les combats

Responding to war in Ukraine
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Marie Brun est coordinatrice d’urgence pour Médecins Sans Frontières à Goma, dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Elle revient sur l’intensification des combats depuis le début de l’année entre plusieurs groupes armés, dont le M23, et les forces armées congolaises, ainsi que les conséquences pour les civils contraints une nouvelle fois à subir ces violences.

L'insécurité semble de plus en plus affecter les déplacés dans les Kivus et en particulier autour de Goma. Que se passe-t-il ?

Ces deux dernières années, nous avons assisté à des mouvements réguliers de populations fuyant les combats dans la province du Nord-Kivu et, plus récemment, vers le Sud-Kivu. Ces individus et familles déplacés ont notamment trouvé refuge dans des camps insalubres en périphérie de la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu.

Ces dernières semaines, Goma s’est peu à peu retrouvée encerclée par plusieurs lignes de front, avec entre 600 000 et 1 million de personnes déplacées et deux millions d’habitants entassés sur un territoire restreint. La concentration de porteurs d'armes à l’intérieur et autour des camps densément peuplés et le rapprochement des positions militaires à proximité immédiate des personnes déplacées a entraîné une augmentation généralisée du niveau de violences : les civils sont pris en étau entre les différents groupes armés, blessés ou tués dans des tirs croisés, victimes de la criminalité et plus particulièrement de violences sexuelles.

À Goma, les personnes déplacées se retrouvent aujourd’hui dans une situation similaire à celle qu’ils avaient initialement fuie : ils sont dans l’insécurité la plus totale et n'ont plus aucune échappatoire. Les camps de déplacés doivent être respectés par toutes les parties au conflit et les combats doivent cesser à proximité.
testimonies from residents of the Shabindu IDP site, North Kivu.

À Goma, les personnes déplacées se retrouvent aujourd’hui dans une situation similaire à celle qu’ils avaient initialement fuie : ils sont dans l’insécurité la plus totale et n'ont plus aucune échappatoire. Les camps de déplacés doivent être respectés par toutes les parties au conflit et les combats doivent cesser à proximité.

Ce contexte d’insécurité grandissante se superpose à des conditions de vie extrêmement précaires. Les personnes déplacées vivent dans des camps densément peuplés, aux conditions sanitaires déplorables sans accès adéquat à l'hygiène, dans des abris faits de bâches en plastique sur des sols jonchés de pierres volcaniques. L’accès à l’eau potable et à la nourriture est très difficile et aléatoire.

Quel est l’impact de cette violence sur les civils ?

Dans les camps autour de Goma, selon nos observations, les tirs d’artillerie lourde entre belligérants ont causé la mort de 23 personnes et fait 52 blessés depuis février 2024. D’après les Nations unies, au moins 18 civils, en majorité des femmes et des enfants, sont décédés et 32 autres ont été blessés lors de bombardements touchant plusieurs sites de déplacés au cours de la seule matinée du 3 mai.

Nous avons recensé 24 incidents impliquant des tirs d’obus à l’intérieur ou autour des camps où nous travaillons et les équipes de MSF ont reçu 101 blessés légers, dont 70% de civils à l’hôpital de Kyeshero, transférés par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) qui prend en charge les patients blessés par arme les plus graves. Marie Brun, Coordinatrice d’urgence pour MSF, à Goma

Depuis le début de l’année, nous avons pu observer des tirs croisés, des explosions de grenades à l’intérieur des camps, de jour comme de nuit. Nous avons recensé 24 incidents impliquant des tirs d’obus à l’intérieur ou autour des camps où nous travaillons et les équipes de MSF ont reçu 101 blessés légers, dont 70% de civils à l’hôpital de Kyeshero, transférés par le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) qui prend en charge les patients blessés par arme les plus graves.

Nous nous inquiétons également de retards dans la prise en charge médicale des patients et patientes qui ont peur de se déplacer, d’être attaqués ou encore violés. Dans les camps de Shabindu, Rusayo et Elohim, nous avons traité plus de 1 700 nouveaux cas de violences sexuelles en avril, dont 70% sont commises sous la contrainte d’une arme. MSF fournit des soins médicaux et psychologiques aux survivants, mais les possibilités d'orientation vers une aide juridique, des abris sûrs et d'autres services de protection sont très limitées. Si la majorité des femmes victimes de violences sexuelles prises en charge par nos équipes rapportent avoir été violées lors de la collecte de bois de chauffage, on observe de plus en plus d’agressions à l’intérieur même des camps. Des cas de viols collectifs ont été également rapportés.

Les combats ont également repris à Kibirizi, ville d’accueil et de transit pour des milliers de personnes déplacées située au carrefour de plusieurs axes stratégiques au Nord-Kivu. En mai, de violents combats ont touché des zones peuplées, en ville ou à proximité des champs, entraînant la destruction des infrastructures et de ressources vitales, ainsi que la fuite des habitants à nouveau déplacés par les combats. Le nombre de cas de violences sexuelles y a également explosé, avec une multiplication par cinq des victimes de violences sexuelles prises en charge dans les structures de santé soutenues par MSF dans la zone de santé de Kibirizi et plus au sud dans celle de Bambo.

En raison de l'intensification des hostilités sur une nouvelle ligne de front depuis février, les échanges de tirs et d’artillerie touchent aussi régulièrement les civils vivant dans la ville de Minova et ses alentours, au Sud-Kivu, où près de 200 000 personnes ont trouvé refuge cette année.

Comment MSF continue-t-elle à travailler dans ce contexte ? Dans le Nord et le Sud-Kivu, nos équipes travaillent dans un contexte sécuritaire volatile avec des difficultés de déplacement, d'acheminement de l’aide humanitaire et un accès incertain aux centres de santé que nous soutenons. Malgré la nature médicale et humanitaire de notre réponse à cette crise, le personnel de MSF n'a pas été épargné par les actes d'intimidation d'hommes armés.

À plusieurs reprises, MSF a été obligé de suspendre ses activités à cause notamment d’affrontements à proximité des camps de Goma, à Kibirizi, à Bambo et aux alentours de Minova. La route qui mène du Sud-Kivu vers Goma est actuellement bloquée à cause des combats et l’approvisionnement ne peut se faire que par bateau depuis le lac Kivu ou par moto. Les affrontements compliquent aussi l’approvisionnement depuis Goma des zones plus périphériques où les combats font également rage.

Dans le territoire de Masisi, où MSF soutient notamment l’hôpital général de Masisi et celui de Mweso, les équipes reçoivent depuis le début de l’année des dizaines de blessés de guerre mais depuis des mois, l’accès par la route est extrêmement difficile et risqué, ce qui continue d’entraver les opérations humanitaires, privant la population d’une aide humanitaire vitale. En tant que MSF, nous rappelons à toutes les parties belligérantes qu'en temps de conflit, elles sont tenues de respecter le droit international humanitaire et toutes les protections accordées aux civils, aux établissements de santé, aux patients et au personnel médical.