Près d’un demi-million de personnes vivent avec le VIH en République démocratique du Congo, et le virus fait chaque année des milliers de morts pourtant évitables. Alors que la maladie bénéficie depuis des années de tests et de traitements efficaces, de nombreux Congolais n’ont toujours pas accès au dépistage, aux soins ou entament ces derniers trop tardivement. Résultat : des besoins en prise en charge médicale difficilement gérables dans le contexte sanitaire actuel. Face à cette réalité, MSF agit pour renforcer l’offre de soins à Kinshasa.
La prévention du VIH et l’accès aux soins restent un défi colossal en RDC. Le dépistage volontaire n’est quasiment plus possible, et de nombreuses structures de soins ne disposent pas des tests gratuits à destination des personnes qui présentent des symptômes. Aggravée par la peur et la stigmatisation qui entourent le virus, cette situation se traduit par une situation inquiétante : d’après les estimations de l’ONU, près d’un quart des personnes vivant avec le VIH en RDC ne le savent tout simplement pas.
De nombreux porteurs du virus se font dépister trop tardivement et commencent donc le traitement avec retard, augmentant les risques de complications. D’autres interrompent leur traitement par manque de médicaments disponibles, de soutien psychologique ou à cause des frais exigés par certaines structures de soins – alors que les traitements antirétroviraux (ARV) sont supposés être gratuits. Résultat : un grand nombre de malades développent un stade avancé de la maladie.
« Le fait qu’il y ait encore tant de patients à ce stade de la maladie reflète l’ampleur des problèmes de dépistage et de soins en amont », poursuit-elle.
« Pendant des années, les consultations se menaient du matin au soir et la quasi-totalité de nos lits d’hospitalisation étaient occupés. Nous avons donc décidé de renforcer la prise en charge dans d’autres structures de la ville pour faire face à la demande de soins. »
Selon l’ONUSIDA, entre 13.000 et 29.000 nouvelles infections au VIH ont lieu chaque année en RDC. Autant de personnes qui ont besoin d’accéder rapidement et gratuitement à des tests et traitements pour éviter de développer des complications potentiellement fatales.
Malheureusement, la RDC souffre encore et toujours d’un manque de ressources nationales et internationales pour lutter efficacement contre le VIH. Un manque de moyens qui se paie cash : en 2020, près de 17.000 personnes sont décédées des suites du VIH dans le pays – des milliers de décès qui auraient pu être évités avec une prévention et une prise en charge optimale.
Renforcer l’offre de soins dans la capitale
Depuis une petite dizaine d’années, MSF appuie en plus du CHK des hôpitaux et centres de santé de la capitale afin d’y renforcer les compétences du personnel médical ainsi que la réalisation de tests en laboratoire. Actuellement, deux hôpitaux et quatre centres de santé bénéficient de cet appui « en décentralisation ». Des structures où les soins et l’accès au dépistage gratuit sont assurés pour tout le monde.
« Nous avons choisi de soutenir des structures situées dans des zones périphériques d’où proviennent souvent les patients reçus au CHK », précise Dr Ditondo. « Cela permet de rapprocher les patients de leur médecin, au plus près de chez eux, et d’éviter ainsi de longs déplacements. »
Coincé au milieu des ruelles et des petits marchés à la sauvette du quartier populaire de Mbinza-ozone, dans la commune de Ngaliema, le Centre Hospitalier de Luyindu (CHL) est l’un des bénéficiaires de cet accompagnement. Chaque mois, une trentaine de patients séropositifs y sont désormais suivis. Un seul des sept lits disponibilisés pour les patients vivant avec le VIH est inoccupé. Une prise en charge dont le démarrage ne fut pas sans susciter quelques remous.
« Certains patients se sont enfuis quand ils ont appris que nous allions assurer la prise en charge de personnes séropositives », explique Dr. Adolphe Byakausa Matondo, médecin directeur du CHL.
« La stigmatisation dans cette zone est très forte, et nous avons donc mené un gros travail de sensibilisation dans l’hôpital et auprès de la communauté. Aujourd’hui, heureusement, les choses ont bien changé. »
« Aujourd’hui, je suis sur pied »
Cette stigmatisation, Sarah ne la connaît que trop bien. Admise aux urgences du CHL en juillet, elle a vu sa famille et son mari l’abandonner lorsque le personnel médical lui a appris que son hospitalisation était dûe au fait qu’elle avait le VIH.
« Je suis arrivée à l’hôpital dans un état critique », se remémore-t-elle. « J’ai été hospitalisée ici deux mois. Aujourd’hui, je suis sur pied et j’ai pu sortir, mais j’habite à la paroisse puisque ma famille m’a reniée. Heureusement que l’équipe médicale était là pour m’encourager et suivre correctement le traitement. »
MSF est engagée depuis 2002 dans la lutte contre le VIH/SIDA à Kinshasa. En 2020, près de 2.000 patients ont été suivis en traitement par nos équipes dans la capitale, et 1,337 hospitalisations ont été réalisées. Outre la prise en charge, MSF a également assuré près de 8.200 dépistages à Kinshasa.