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Violences sexuelles à Binza : des blessures impossibles à cicatriser

Responding to war in Ukraine
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Les consultations de patients ayant été victimes de violences sexuelles sont de plus en plus fréquentes à l'hôpital général de référence de Nyamilima, dans la province du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo : 21 personnes ont été reçues par le personnel soignant en juin 2021, au moins une tous les deux jours. Leurs histoires sont difficiles à entendre et leurs blessures longues, si ce n’est impossible, à cicatriser malgré les soins médicaux offerts par ce service de l'hôpital soutenu par Médecins Sans Frontières en appui au Ministère de la Santé. Certaines des victimes ont été attaquées dans les champs, en  brousse ; d'autres l’ont été dans leur maison.

Rehema et sa fille ont été agressées alors qu'elles rentraient chez elles après avoir coupé du bois de chauffage dans leur champ, arrêtées par des hommes armés sur ce chemin qu’elles empruntaient tous les jours.

Rehema « Cet après-midi là, nous revenions de notre champ. Quatre hommes armés sont apparus devant nous. Nous n'avions nulle part où nous cacher, personne qui appeler », se souvient-elle.
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Cette mère a non seulement été violée mais a dû assister au viol de sa fille de 19 ans. « J'ai mal quand je me souviens de la façon dont nous avons été agressées, dont nous avons été obligées d’assister au viol de l’une et l’autre. C'est une cicatrice qui ne disparaîtra jamais. »

Trois jours après le viol, Rehema et sa fille se sont rendues à l'hôpital général de référence de Nyamilima où des consultations gratuites sont assurées en toute confidentialité et pour toutes les victimes de violence sexuelle, femmes ou hommes.

Ce type de violence constitue une urgence médicale et nécessite la mise à disposition de soins immédiats, si possible dans les 72 heures qui suivent les violences pour une prise en charge optimale, notamment du VIH/Sida, gratuits et de qualité aux victimes du fait de leurs conséquences immédiates : traumas physiques et psychologiques, hémorragies, infections sexuelles, grossesses non-désirées…

Mais les besoins des survivants ne s’arrêtent pas là : ces violences ont également de lourdes répercussions sociales et économiques à plus long terme en raison de l’exclusion sociale et de la perte de moyens de subsistance des victimes, les traumatismes physiques et psychologiques affectant souvent leur capacité à reprendre une activité économique.

« Ma fille et moi vivons cachées, la communauté et même la famille n'a plus de respect pour nous », confirme Rehema.

Sur les 21 patients reçus en juin, au moins huit d’entre eux ont été agressés sur le chemin entre leur champ et leur domicile.

« Ces victimes étaient âgés de six à 45 ans, c’est effrayant », constate Fazila Esther, infirmière en charge des victimes de violences sexuelles à l'hôpital général de Nyamilima.

« Elles viennent souvent après avoir été discriminées dans la communauté et rejetées par la famille. »
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Hôpital général de Nyamilima à Binza, province du Nord-Kivu, une structure soutenue par MSF depuis février 2021. La plupart des patients qui vient en consultation a été agressée ou souffre de paludisme et de malnutrition aiguë sévère.
MSF/Yves Ndjadi

 La double peine

Si Rehema et sa fille font partie de celles qui ont eu le courage de se rendre à l'hôpital, d'autres survivants continuent de vivre sans aucun soutien et dans des conditions très difficiles après avoir été rejetées par leur famille et leur communauté.

Au niveau médical et psychologique, la prise en charge dans les structures de santé observée par MSF est défaillante faute de formation du personnel soignant mais aussi en raison de ruptures en médicaments et des barrières financières aux soins. Quant aux activités d’appui socio-économique, de prévention et de protection, elles restent aussi extrêmement faibles, laissant un grand nombre de survivantes livrées à  elles-mêmes face aux conséquences à long terme de ces attaques brutales. Ce manque d’appui constitue une « double peine » pour les survivants.

La zone de santé de Binza n’échappe pas à ce désert sanitaire que constate MSF au nord du territoire de Rutshuru. Située à la frontière avec l'Ouganda, cette zone dessert une population de plus de 200 000 habitants avec une douzaine de centres de santé et un seul hôpital général de référence.

Les structures actuellement opérationnelles connaissent elles aussi des difficultés dues au manque de médicaments, d'équipements, de matériel de soins et de ressources humaines qualifiées pour offrir des soins de qualité à cette population. En mouvement permanent pour échapper aux violences armées causées par les attaques des groupes armés étatiques et non-étatiques, la population a besoin d’assistance : la présence de MSF auprès de trois structures sanitaires de la zone de santé depuis février 2021 vise à combler un besoin grandissant de soins spécialisés et d’un plaidoyer indispensable pour que les survivants de violences sexuelles telles que Rehema et sa fille puissent, un jour, reprendre le cours de leur vie.