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Year in review IAR 2016

Bilan de l'année

En 2016, près d’un tiers des projets de Médecins Sans Frontières visaient à porter secours aux populations piégées par la guerre, notamment au Yémen, au Soudan du Sud, en Afghanistan, en Irak, au Nigéria et en Syrie. MSF est également venue en aide aux migrants qui fuient la répression, la pauvreté ou la violence et qui, souvent, se retrouvent à la merci de nouvelles formes de violence, d’exploitation ou de danger parce que des pays ont fermé les routes migratoires sûres et légales. Nos équipes ont répondu à des crises provoquées par des épidémies et des catastrophes naturelles, et ont assuré la prise en charge et l’amélioration des traitements de maladies telles que la tuberculose (TB) et le VIH.

Populations piégées par la guerre

Dans de nombreuses zones de conflit, les civils et infrastructures civiles, y compris médicales, ont subi des attaques aveugles ou ciblées. Des millions de personnes ont été contraintes de fuir leur maison, parfois à de multiples reprises. Nos équipes ont porté secours aux populations piégées par les combats et soigné des femmes enceintes et des nouveau-nés, des blessés et des urgences médicales. Elles ont traité des pathologies chroniques et jugulé des épidémies, notamment par des campagnes de vaccinations. Elles ont aussi répondu à d’autres besoins vitaux, en fournissant par exemple de l’eau potable et des secours d’urgence. Du Liban à la Tanzanie, elles se sont mobilisées pour aider les centaines de milliers de personnes qui ont fui la violence et la guerre, en quête de sécurité dans d’autres pays.

Au Nigéria, le conflit armé entre Boko Haram et l’armée nigériane a fait environ 1,8 million de déplacés dans le seul État de Borno, et coupé de nombreuses communautés du reste du pays pendant de longues périodes. En juin, alors que l’insécurité générale limitait considérablement l’accès, les équipes de MSF ont découvert des situations choquantes dans des villages tels que Bama, où un enfant de moins de cinq ans sur cinq risquait de mourir de malnutrition. Des milliers de personnes étaient regroupées dans différents villages et dépendaient entièrement de l’aide humanitaire. Fin 2016, la situation s’était améliorée dans les zones qui étaient encore accessibles. Mais, l’insécurité générale et les restrictions imposées par l’armée ont posé un énorme défi à MSF et aux autres acteurs humanitaires car il était impossible de savoir combien de personnes avaient besoin d’une aide d’urgence dans les zones inaccessibles.

Ce conflit s’est étendu au bassin du lac Tchad en traversant les frontières du Cameroun, du Tchad et du Niger, aggravant la situation de populations civiles déjà fragilisées dans cette région marquée par la pauvreté, l’insécurité alimentaire, des épidémies récurrentes et la quasi absence de systèmes de santé. Les équipes de MSF ont intensifié l’aide médicale et humanitaire au Tchad, au Cameroun et au Niger pour les réfugiés du Nigéria ainsi que les populations locales et déplacées affectées par cette crise.

Au Soudan du Sud, d’intenses combats ont éclaté en juillet entre le gouvernement et les forces d’opposition à Juba, la capitale. MSF a ouvert des cliniques pour fournir des traitements d’urgence aux blessés de guerre et autres patients, ainsi que des soins en continu pour des pathologies telles que la malnutrition, le paludisme et la diarrhée. D’août à décembre, nous avons intensifié notre aide au nombre croissant de réfugiés sud-soudanais qui, fuyant les violences, arrivaient par centaines de milliers en Ouganda, en Éthiopie et au Soudan.

Dans les zones frappées par la violence, il a fallu adapter les solutions. Au Soudan du Sud, pour garantir la continuité du traitement antirétroviral aux patients séropositifs pendant les périodes d’instabilité, des kits d’urgence d’une durée de trois mois leur ont été préparés et distribués en prévision de prochains déplacements de populations.

En Syrie, l’insécurité dans les zones contrôlées par l’opposition et l’absence d’autorisation du gouvernement syrien ont sérieusement limité les activités médicales de MSF. En 2016, MSF a géré six structures médicales au nord du pays. Dans les régions inaccessibles, comme les zones assiégées, les équipes ont soutenu à distance les réseaux médicaux à l’intérieur du pays, en fournissant formations appui technique et dons. Cette approche reste exceptionnelle et MSF y a recours en raison de l’extrême détresse, de la souffrance des populations et de l’absence d’accès direct. Face au niveau de violence, à l’ampleur des besoins et à l’insuffisance de l’aide, MSF a publié de nombreux témoignages de professionnels de santé syriens que nous avons soutenus, en particulier à l’est de la ville d’Alep et dans les zones assiégées autour de Damas.

Après la fermeture de la frontière entre la Syrie et la Jordanie en juin, quelque 75 000 Syriens se sont retrouvés bloqués dans la zone de Berm/Rukban, inaccessible aux équipes de MSF et d’autres acteurs humanitaires, sans possibilité de chercher aide et protection hors de Syrie. Cette situation reflète une réalité de plus en plus fréquente dans les zones de guerre, en particulier en Syrie.

Abs hospital airstrike aftermath, Hajjah, Yemen
Un agent hospitalier sauve des médicaments et des équipements de la salle des urgences de l’hôpital de Abs dans le Hajjah au Yémen. Elle a été touchée le 15 août par une frappe aérienne de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite qui a détruit l’hôpital et fait 19 morts
Rawan Shaif

Au Yémen, des attaques aveugles contre des civils et des infrastructures civiles ont eu des conséquences dévastatrices sur un pays déjà parmi les plus pauvres de la région. Pour combler le manque de soins et aider le nombre croissant de blessés de guerre, MSF a intensifié ses activités, faisant du Yémen sa plus grande mission au Moyen-Orient en 2016. Les équipes de MSF ont soigné des patients dans 12 hôpitaux et soutenu au moins 18 autres structures de santé. Le 15 août, une frappe aérienne sur l’hôpital d’Abs, au nord du Yémen, a tué 19 personnes, dont un membre de MSF, et en a blessé 24 autres. MSF a retiré son personnel de six hôpitaux du nord du pays mais continué d’aider ces structures. Les activités ont repris en novembre 2016.

En mai, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la Résolution 2286, qui condamne les attaques contre des structures de santé et s’engage à protéger le personnel et les patients dans des contextes de conflits. Pourtant, frappes aériennes et bombardements de structures de santé ont continué. Des coalitions militaires qui agissent avec l’implication directe ou indirecte de membres du Conseil de sécurité, tels que la France, la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis en sont souvent responsables. En 2016, 34 structures de santé gérées ou soutenues par MSF ont été attaquées de cette manière en Syrie et au Yémen.

Périls sur les routes migratoires

Le nombre de migrants qui arrivent en Italie par la mer est passé de 153 000 en 2015 à plus de 180 000 en 2016. Au moins 5 000 hommes, femmes et enfants sont morts en tentant la traversée. À bord de trois navires de secours, les équipes de MSF ont sauvé 21 600 passagers de bateaux en détresse en Méditerranée. Elles ont récupéré les corps de ceux qui se sont noyés ou ont été asphyxiés, écrasés par le poids de centaines d’autres.

Sans alternatives légales et sûres pour atteindre l’Europe, presque tous ceux qui ont été sauvés avaient transité par la Libye, en quête d’assistance et de protection. Ils ont décrit les souffrances horribles infligées par des passeurs, des groupes armés et des individus qui exploitent le désespoir de ceux qui fuient les conflits, les persécutions ou la pauvreté.

En juin, trois mois après la signature de l’accord entre l’UE et la Turquie, nous avons annoncé que MSF n’accepterait plus de fonds de l’UE ou d’États membres de l’UE, pour marquer notre opposition à ces politiques dissuasives désastreuses et à la poursuite des efforts pour repousser les gens et leur souffrance loin des côtes européennes.

IDPs in Khamer, North of Yemen
Déplacés internes dans la salle d’attente d’une clinique mobile à Khamer (Yémen)
Malak Shaher/MSF

En juillet, MSF a commencé à gérer des cliniques à et autour de Tripoli, la capitale libyenne, dans certains centres de détention pour les migrants. Nos équipes y ont été témoins de conditions de vie catastrophiques et inhumaines.

En Amérique centrale, des habitants du Honduras, du Guatemala et du Salvador qui fuyaient la violence dans leur pays d’origine ont été victimes de nouveaux sévices en traversant le Mexique à destination des États-Unis. Un quart des patients reçus en consultation dans les programmes de MSF destinés aux migrants/réfugiés au Mexique avaient subi des violences physiques et des traumatismes intentionnels. Ils ont signalé que parmi les auteurs de ces violences, figuraient des membres de gangs et d’autres organisations criminelles ainsi que des représentants des forces de sécurité mexicaines, pourtant chargées de leur protection. Ces populations n’ont pas accès à tous les soins et souffrent des conséquences de politiques de déportation agressives qui ignorent leur besoin d’assistance et de protection.

Maladies infectieuses : intervenir et innover

Le paysage de la médecine humanitaire ne cesse d’évoluer. Pour garantir des soins de qualité, MSF doit suivre le rythme et adapter les outils et les approches. Au Niger, MSF a participé à un essai clinique dans la région de Maradi, pour déterminer l’efficacité du nouveau vaccin contre l’infection à rotavirus. Principale cause de diarrhées sévères chez l’enfant, cette infection est responsable de quelque 1 300 décès par jour dans le monde, en particulier en Afrique sub-saharienne où les communautés des régions isolées n’ont qu’un accès limité aux services de santé. Stable à la chaleur, ce nouveau vaccin ne requiert pas de réfrigération, ce qui le rend mieux adapté aux populations les plus vulnérables à cette maladie. Après l’épidémie d’Ebola de 2014-2015 en Afrique de l’Ouest, MSF a participé au développement d’un vaccin qui pourrait contribuer à prévenir la propagation de la souche Zaïre de l’Ebola lors de futures épidémies.

Yellow Fever Vaccination Campaign in Kinshasa
Des patients font la queue pour se faire vacciner contre la fièvre jaune dans une école de la zone de santé Kikimi à Kinshasa (République démocratique du Congo).
Dieter Telemans

Une nouvelle stratégie de lutte contre le choléra utilisant un vaccin oral en dose unique a été mise en œuvre en réponse aux épidémies à Juba. Jugée efficace par les équipes de MSF, elle a été répliquée à Lusaka en Zambie, en avril. Plus de 423 000 personnes ont ainsi été vaccinées, ce qui est la plus grande campagne de vaccination contre le choléra jamais entreprise pendant une épidémie. En République démocratique du Congo (RDC), MSF a vacciné plus d’un million de personnes contre la fièvre jaune. Cette campagne a exigé l’organisation quotidienne de 100 équipes de 16 personnes et une flotte de 65 véhicules transportant 4 000 glacières et blocs réfrigérants.

Lorsqu’un conflit perturbe les systèmes de santé, les épidémies de maladies infectieuses peuvent survenir plus souvent et être plus dévastatrices. C’est pourquoi notre réponse en zones de conflit intègre des stratégies de prévention et de lutte, comme au Nigéria, au Yémen, en République centrafricaine, au Soudan du Sud et en Syrie.

Les campagnes de vaccination sont l’un des moyens les plus efficaces de prévenir et juguler des épidémies. Mais elles ne sont possibles que si les vaccins sont disponibles à des prix abordables. La pneumonie reste la principale cause de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans mais le vaccin antipneumococcique conjugué (PCV) est hors de prix pour de nombreux pays en développement. En Grèce, par exemple, MSF a payé USD 68 la dose de PCV pour immuniser les enfants réfugiés, soit 20 fois plus que le prix mondial le plus bas. MSF demandait depuis longtemps à Pfizer et GlaxoSmithKline (GSK), les deux seuls producteurs de ce vaccin, d’offrir le prix mondial le plus bas aux organisations humanitaires. En 2016, grâce à la mobilisation de près d’un demi-million de personnes dans la campagne A Fair Shot/L’injuste prix de MSF, ils ont accepté de baisser le prix du vaccin pour les enfants au cœur des urgences humanitaires.

MSF reste le plus grand fournisseur non gouvernemental de traitements antituberculeux au monde. En 2016, nos équipes ont soigné plus de 2 000 patients atteints de formes résistantes de la TB. MSF participe à des essais cliniques lancés en 2016 pour démontrer l’innocuité et l’efficacité de la bédaquiline et du délamanide, deux nouveaux antituberculeux. Ces essais visent à déterminer si ces deux médicaments utilisés dans de nouvelles combinaisons, sont plus efficaces ou plus simples à utiliser que les schémas posologiques actuels et s’ils provoquent moins d’effets secondaires. S’ils sont concluants, ces essais cliniques pourraient révolutionner le traitement de la TB résistante, pour autant que ces médicaments soient accessibles aux patients qui en ont besoin.

MSF ne peut offrir gratuitement des soins médicaux vitaux aux plus vulnérables sans l’engagement vital et sans faille de ceux qui nous soutiennent. Aussi, nous vous adressons nos plus sincères remerciements et rendons hommage aux dizaines de milliers de membres des équipes de MSF qui ont soigné des patients dans 71 pays en 2016. Nous saisissons aussi cette opportunité pour nous souvenir de nos collègues qui ont perdu la vie au cours de leur mission. Enfin, nos équipes s’emploient avec détermination à trouver Philippe, Richard et Romy, nos trois collègues enlevés en RDC en 2013, et à les ramener sains et saufs. Nos pensées sont avec vous, vos amis et vos familles.