Il y a un an, une offensive militaire décrite par beaucoup comme l’une des plus grandes batailles urbaines du 21ème siècle, touchait à sa fin. Après presque trois ans sous le contrôle du groupe Etat islamique, Mossoul, une ville de plus d’1,5 million d’habitants issus de différentes communautés et religions, était reprise par l’armée. La complexité de cette offensive mais aussi les nombreux retournements de situation firent que les affrontements durèrent pendant neuf mois. Mais ce qui découla des combats fût surtout une énorme crise.
Une crise qui persiste encore aujourd’hui, au sein et autour de la ville.
Les débuts
Octobre 2016
Une offensive militaire, menée par une alliance de forces de sécurité irakiennes et de la coalition internationale, est lancée pour reprendre Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Irak. C’est un moment décisif dans le combat que mène le pays contre le groupe Etat islamique, qui a fait de Mossoul sa capitale en Irak, en en prenant le contrôle en juin 2014.
Fuir la bataille
Octobre - Décembre 2016
En l’espace de deux mois, plus de 100 000 personnes sont déplacées par les combats. MSF commence à travailler dans les camps accueillant les personnes fuyant Mossoul et ses environs. L’organisation met à leur disposition des services tels que du soutien psychologique ou des soins de santé primaire.
MSF met également en place des cliniques et des hôpitaux pour traiter les blessés de guerre, en périphérie de la ville. Certains de ces hôpitaux, comme celui de Qayyarah, au sud de Mossoul, jouent un rôle particulièrement important. Cette structure médicale et chirurgicale de 30 lits apporte des soins d’urgence à plus de 12 000 personnes en l’espace de quelques mois. Et les médecins de l’hôpital ont souvent à faire face à des afflux massifs de blessés.
Coups de feu, explosions et ainsi de suite… Aujourd’hui, je vais opérer au moins trois, quatre ou même cinq personnes.Aleksander Wroblewski, Chirurgien MSF
Mi-parcours
Janvier - avril 2017
En janvier 2017, la zone est de Mossoul est complètement reprise, cette période marque la moitié de la bataille. MSF commence à intervenir dans l’hôpital de Muharibeen : c’est la première fois que l’organisation est capable de travailler au sein même de la ville depuis le lancement de l’offensive. D’autres hôpitaux sont ouverts dans des villes comme Hamdaniyah, où des centaines de patients bénéficient de soins post-opératoires, de réadaptation et de soutien psychologique.
J’allais à une distribution de nourriture quand quelque chose a explosé dans la rue d’à côté. J’ai été touché par des éclats d’obus, au niveau de la poitrine et de mon bras. Je suis passé par beaucoup d’hôpitaux avant d’arriver à Hamdaniyah. Cela fait désormais une semaine que je suis ici.Abdulrahman, un patient de 11 ans, à l’hôpital post-opératoire de MSF à Hamdaniyah
En février, MSF utilise pour la première fois son unité mobile de chirurgie de guerre à Hammam Al Alil. Constituée de 5 containers – comprenant une salle d'opération, une salle pour la stabilisation et la réanimation, une salle de stérilisation, une pharmacie et un espace de stockage pour le matériel – cette unité permet aux équipes de MSF se trouvant près des lignes de fronts et travaillant dans l’urgence de pouvoir opérer une centaine de patients sans avoir besoin d’être ravitaillées. Cette unité mobile de chirurgie devient, pendant un moment, la structure chirurgicale la plus proche des combats ayant lieu dans l’ouest de Mossoul. Et plus de la moitié de tous les blessés de guerre évacués de la bataille à l’ouest, passeront par cet hôpital.
Nous voulions créer une structure chirurgicale qui pourrait être transportée sur des camions et qui nous donnerait la flexibilité de bouger rapidement pour atteindre les personnes dans le besoin.Arnaud Badinier, Chef de Projet
Traumatismes & faim
Mai 2017
MSF commence à recevoir des enfants souffrant de malnutrition sévère dans certains de ses hôpitaux. C’est un phénomène particulièrement surprenant dans un pays comme l’Irak et cela témoigne des difficultés vécues par la population sous le contrôle du groupe Etat islamique. Ce phénomène n’a fait que s’accroître quand les lignes de fronts ont atteint des quartiers résidentiels densément peuplés, et que les habitants de Mossoul ne pouvaient plus quitter leurs maisons pour aller acheter de la nourriture ou d’autres fournitures essentielles.
Le pire scenario
Juin 2017
Au début de l’été 2017, plus d’un million de personnes ont été déplacées de Mossoul et de ses environs depuis le début de l’offensive. Le pire scénario, que beaucoup d’humanitaires et d’agences des Nations Unies redoutaient au début de la bataille, est devenu une réalité.
La situation évolue rapidement et MSF commence à intervenir dans le quartier de Nablus, une zone particulièrement stratégique pour atteindre les blessés de guerre fuyant les combats ayant lieu dans les dernières zones de la vieille ville.
L’hôpital ouvre également une maternité et une unité de soins pédiatriques, des services qui continuent d’être disponibles aujourd’hui. Durant l’année 2017, nos équipes gèrent près de 10 000 cas d’urgence, traitent des centaines de cas chirurgicaux, assistent plus de 1400 naissances et soignent près de 500 enfants dans cette structure.
Reprise
Juillet 2017
Le 10 juillet, le premier ministre irakien Abadi déclare Mossoul officiellement reprise, alors qu’il se trouve avec des commandants militaires au sein de la vieille ville. C’est la fin d’une offensive qui a duré plus de 250 jours et est devenue l’une des batailles urbaines les plus mortelles depuis la seconde guerre mondiale.
Pendant le conflit, des milliers d’irakiens ont été blessés ou tués, et plus d’un million de personnes ont été déplacées. Les lignes de front ont pénétré des zones densément peuplées, ce qui signifie que beaucoup d’habitants de la ville vivaient dans des conditions de siège, parfois pendant plusieurs mois.
Seuls les blessés qui pouvaient marcher étaient en mesure d'accéder à des soins médicaux et même lorsqu’ils en étaient capables, il fallait souvent qu’ils attendent plusieurs jours avant de pouvoir fuir leurs foyers en sécurité et essayer d’atteindre un hôpital ou une clinique.Anja Wolz, Manager de la cellule d’urgence
Lorsque la violence prend fin, la zone ouest de Mossoul et les structures médicales qui s’y trouvent, sont complètement décimées.
Et maintenant?
Juillet 2018
Une année est passée depuis que la bataille de Mossoul a officiellement pris fin. Pourtant, ses conséquences sont toujours visibles, au sein et autour de la ville.
Pour ceux qui ont survécu à une bataille d’une telle brutalité, les cicatrices de la guerre sont toujours présentes, qu’elles soient visibles ou non. Les besoins en réadaptation physique et en soutien en santé mentale surpassent largement la quantité de services disponibles aujourd’hui en Irak. Et alors qu’une grande partie de la population de Mossoul est désormais rentrée chez elle, des dizaines de milliers de Mossouliottes restent déplacés dans d’autres zones du pays.
En parallèle, la reconstruction de Mossoul et de beaucoup d’autres zones reprises dans le pays, avance extrêmement lentement. Des dizaines de corps sont encore enfouis sous les ruines, en particulier dans la vieille ville. Cela pourrait devenir un problème de santé publique, si l’on prend en compte que beaucoup d’habitants vivent au milieu de maisons partiellement détruites et de murs effondrés. Les mines et autres restes explosifs de guerre restent également une menace importante pour la population.
Un an a passé, et l’hôpital de MSF à Nablus est toujours l’un des deux seuls hôpitaux en service dans l’ouest de Mossoul. Nous avons également ouvert récemment une structure de soins post-opératoires à l’est, pour venir en aide aux nombreux blessés de guerre qui ont encore besoin d’être opérés. MSF soutient aussi différents centres de santé primaire et organise des distributions ponctuelles pour les personnes les plus affectées par le conflit.
La bataille est peut être finie mais notre travail est loin de l’être, même un an après.