En République centrafricaine, la succession des cycles de violence ont forcé les populations à fuir, laissant tout derrière elles. Aujourd’hui encore, elles continuent de subir les effets du conflit armé. A Bria, où se trouve le plus grand site de personnes déplacées internes du pays, beaucoup peinent à rentrer et reconstruire la vie qu’ils ont laissé en 2016.
Plus d’un million de centrafricains sont déplacés internes ou réfugiés. Insécurité, manque de moyens financiers, enjeux fonciers font partie des nombreuses limites à un retour sûr et durable. Alors que les forces armées centrafricaines, appuyées par leurs forces alliées, ont repris le contrôle des principales villes, des affrontements ont régulièrement lieu autour des villages reculés. Les conditions de vie des populations, tant résidentes que déplacées, restent particulièrement précaires.
Le site de déplacés PK3 situé à trois kilomètres de Bria, au sud-est de la RCA, abrite encore plus 36 000 personnes.
Six ans plus tard, des perspectives limitées.
La majorité ont tout perdu : les maisons ont été détruites, les biens pillés, les champs endommagés. Rentrer chez soi après plusieurs années d’absence n'est pas simple.
« J’ai fui avec mon mari et nos trois enfants en 2016,» dit Diane. « Les deux autres sont nés dans le camp. Nous avons de la peine à les élever, car les conditions sont dures et mon mari, chauffeur de taxi-moto, n’arrive pas à joindre les deux bouts.»
« Nous ne pouvons pas retourner à Bria, nous n’y avons plus de maison et pas de moyens pour reconstruire » témoigne Diane.
La grande majorité de la population de cette région travaille aux champs agricoles ou miniers, souvent inaccessibles et contrôlés par des hommes armés. Affaiblies par de longues années d’errance et dénuement, les familles peinent à rassembler des ressources pour reconstruire un foyer : les possibilités de rentrées d’argent régulières et suffisantes sont très rares.
Les besoins restent élevés à Bria
Les déplacés du site continuent d’endurer des conditions de vie extrêmement difficiles au PK3 : manque d’accès à l’eau, à l’assainissement, à la nourriture, à l’éducation, aux soins médicaux, et certains souffrent de troubles mentaux psychosomatiques et post-traumatiques.
« Dans cette région particulièrement touchée par le conflit, les communautés n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins quotidiens. Les services de santé restent insuffisants et difficiles d’accès. » explique Ange Francelin Ble, coordinateur de projet Médecins Sans Frontières (MSF) à Bria
Dès 2017, les équipes MSF mettent en place un dispensaire médical dans le site pour fournir des soins pédiatriques et sillonnent les différents blocs pour assurer un accès aux soins médicaux.
Ce dispensaire est aujourd’hui une structure en dur, accueillant des centaines d’enfants par jour. Plus de 250 000 consultations pédiatriques ont été fournies par les équipes MSF pour les enfants de moins de 15 ans : consultations curatives, cas de violence sexuelle et vaccinations. Les cas les plus graves sont envoyés en urgence à l’hôpital de Bria, où nous intervenons en collaboration avec le ministère de la Santé.
Cette année, nous avons déjà réalisé 29 967 consultations amublatoire dans le site, dont plus de 70 pour cent étaient des cas de paludisme. Première cause de consultations dans les services sanitaires du pays, et première cause de décès chez les enfants de moins de cinq ans, notres équipes y sont particulièrement attentives.
Un timide retour
Depuis mai 2022, quelques familles ont amorcé un mouvement de retour dans leur quartier d’origine, grâce à un programme pilote mis en place par le Haut-Commissariat aux réfugiés et ses partenaires.
« Cette vie n’est pas si différente de celle du camp, mais nous nous sentons mieux et plus en sécurité chez nous » dit Chancela. « Les enfants ont un grand espace de jeu, et nous pouvons bien nous occuper de leur éducation. Ce n’était pas toujours le cas sur le site, où nous n’avions pas d’intimité »
« Certains commencent à quitter les sites, mais dans une zone marquée par des années d’insécurité chronique et de déplacements, les conditions de vie à Bria et ses alentours restent difficiles et incertaines », avertit Ricardo Fernandez Sanchez, chef de mission MSF en RCA.
La situation à Bria n’est malheureusement qu’un reflet de la réalité en RCA, contexte volatile où tensions et violences chroniques continuent d’alimenter l’une des crises les plus critiques au monde, et tout cela, loin des caméras.